INEGALITES : à qui profite la croissance ?

C’est une première mondiale. Plus d’une centaine de chercheurs basés sur tous les continents ont mené un travail de collecte et d’analyse des données sur les inégalités. Ce travail, coordonné par quatre économistes de renommée (Facundo Alvaredo, Lucas Chancel, Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman) vient de donner lieu à la publication du premier Rapport sur les inégalités mondiales. Un document intégralement disponible en huit langues sur Internet (http://wir2018.wid.world). Les données de ce rapport, qui portent sur la période 1980-2016, font apparaître une tendance inégalitaire très lourde dans la mondialisation. Ainsi, si au début des années 1980, Europe de l’Ouest et Etats-Unis se situaient à peu près au même niveau, les écarts inégalitaires n’ont cessé de se creuser depuis. Concrètement, aux Etats-Unis, la part de 1 % les plus riches a doublé, passant de 10 % à 20 % en l’espace de trente ans. Dans le même temps en Europe, cette part passait de 10 à seulement 12 %.

 

Mythe du ruissellement

« Dans presque toutes les régions du monde, on assiste à une montée des inégalités », observe Thomas Piketti. Certes la croissance existe mais « tout le monde n’a pas la même croissance ». « Pour le 1 % des revenus les plus élevés, la croissance est beaucoup plus forte que pour les 90 % des plus bas revenus », analyse l’économiste. Les économistes relèvent par ailleurs que lorsqu’on entre dans une période où la croissance devient très faible, on accroît alors encore plus les inégalités. Ce rapport tord le cou à certaines idées, en particulier celles issues des théories les plus libérales. « On est encore dans le mythe du ruissellement », commente Lucas Chancel. Et le co-directeur du laboratoire sur les inégalités mondiales à l’Ecole d’Economie de Paris de constater : « Les plus aisés n’ont pas tirés les plus pauvres vers le haut ». En clair, si d’une manière générale les hauts patrimoines et les hauts revenus se portent encore très bien aujourd’hui, rien n’a en revanche changé pour la majorité des autres. Point de ruissellement donc, si ce n’est toujours au profit des mêmes.